Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Puis il se releva soudain, saisit son fusil et le déchargea sur eux.

Akoun, solidement maintenu par ses gardiens, se débattit, pour bondir sur Porportuk. On entendit, dans la lutte, l’os de son bras qui se brisait de nouveau.

— Parfait… très bien… marmottaient entre eux les vieillards.

El-Sou n’avait pas bronché. Elle regardait, d’un air impassible, ses chevilles d’où ruisselait le sang, ses chevilles fracassées qui jamais plus ne pourraient la porter.

— Mes jambes sont solides, lui dit Akoun. Mais ne t’inquiète pas ! Jamais elles ne m’emmèneront loin de toi !

El-Sou le regarda et, pour la première fois depuis qu’il la connaissait, il vit des larmes embuer ses yeux.

— Tu es belle, El-Sou… Tes yeux sont humides… comme les yeux des biches.

Il y eut un silence. Porportuk faisait ses préparatifs de départ.

— Suis-je un homme juste ? demanda-t-il aux vieux, en clignotant des paupières, dans la fumée.

Tous répondirent en chœur :

— Tu es un juste !

Et le silence retomba.


NOTES