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— Nous sommes surpris de l’importance du prix qui a été donné pour une simple femme. Mais, que ce prix soit raisonnable ou non, peu importe. Nous sommes assemblés pour juger et nous allons rendre notre arrêt. La question est claire maintenant. Chacun reconnaît que Porportuk a acheté légalement la femme El-Sou et en a payé le prix. La femme El-Sou lui appartient donc, et non à un autre.

Il se rassit lourdement et fut saisi d’une quinte de toux. Les autres patriarches dodelinèrent de la tête, en approuvant, et toussèrent aussi.

— Je te tuerai, un jour ou l’autre ! cria Akoun, en anglais, à Porportuk. Tu ne perdras rien pour attendre !

Porportuk sourit et se leva.

— Le tribunal, dit-il aux vieillards, a rendu un jugement équitable. En remerciement, mes jeunes gens vont vous donner beaucoup de tabac. Qu’on amène près de moi la femme El-Sou !

Akoun se mordit les lèvres, en découvrant ses dents, tandis que les hommes de Porportuk saisissaient El-Sou par les bras.

Le visage d’El-Sou s’assombrit. Mais elle ne fit aucune résistance et se laissa conduire vers Porportuk.

— Assieds-toi là, à mes pieds, lui ordonna-t-il, jusqu’à ce que j’aie terminé tout ce que j’ai à dire.

Il se tut un instant, puis reprit, en s’adressant au tribunal :

— Je suis vieux, je le reconnais. Mais je suis capable de comprendre ce qui se passe dans la tête des jeunes. Par ailleurs, si toute force ne s’est pas éteinte en moi et si mes jarrets sont encore bons, je n’ai nullement l’intention d’user mes vieilles jambes à poursuivre cette femme, tout le long des années qui me restent à vivre. El-Sou est infatigable. Je le sais par expérience. Il n’est pas bon qu’une épouse coure