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lassitude. Tes beaux yeux sont pareils à ceux d’une biche, soit qu’ils scrutent un bruit furtif et un péril inconnu, soit qu’ils plongent dans les miens leurs prunelles !

Alors El-Sou, éblouissante et attendrie, s’arrêtait et baisait Akoun.

— Quand nous aurons atteint le Mackenzie, disait encore Akoun, nous hâterons notre marche vers le sud, avant que nous ne soyons pris par l’hiver. Nous irons plus loin, toujours plus loin, vers le Pays du Soleil, où la neige est inconnue. Là, nous vivrons heureux et tranquilles. Mais nous reviendrons un jour. J’ai beaucoup voyagé, et j’ai connu beaucoup de terres. Aucune n’est aussi plaisante que l’Alaska. Aucun autre soleil ne vaut le nôtre, et la neige est douce, après un trop long été.

— Et tu apprendras à lire… ajoutait El-Sou.

— J’apprendrai à lire, c’est entendu !

*

Tous deux atteignirent le Mackenzie avec un certain retard[1]. Là, ils rencontrèrent une tribu indienne, dont ils reçurent l’hospitalité. Les hommes y étaient alors fort occupés à chasser. Akoun se joignit à eux et fut blessé, dans un accident. Un jeune garçon, maniant son fusil, fit partir le coup. La balle cassa le bras droit d’Akoun. Puis, en ricochant, elle alla lui briser deux côtes.

Akoun possédait quelques notions de chirurgie élémentaire et El-Sou de son côté, s’était, à la Mission de la Sainte-Croix, instruite un peu plus sérieusement dans cet art. Les os brisés furent remis en place.

En attendant sa guérison, Akoun passait ses journées allongé près d’un des feux du campement, qui lui tenait chaud et dont, en même temps, la fumée chassait opportunément les moustiques.

  1. Le fleuve Mackenzie prend sa source, comme le Yukon, dans la région des Grands Lacs canadins et, coulant du Sud au Nord, va se jeter dans l’Océan glacial Arctique. Son bassin est séparé par les Montagnes Rocheuses de celui du Yukon et du Porcupine.