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N’ont fait défaut, je pense, à Celle que j’adore ;
Mais il faut renoncer à la chanter encore,
Comme, ayant épuisé son art dans un tableau,
Le peintre loin de soi rejette son pinceau.
Donc je laisse humblement Celle que j’ai nommée
Au clairon plus brillant d’une autre Renommée,
Et je cours au grand but qui me tient tant au cœur !
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Aux mots divins tombés de la bouche que j’aime,
Je me sentis grandir au-dessus de moi-même.
Mon regard se refit si perçant et si sûr
Qu’il eût pu soutenir un jour encore plus pur.
Je vis couler alors en forme de rivière,
Brillant de mille feux, un torrent de lumière…
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Ô toi ma Béatrix ! Béatrix, m’écriai-je !…
Sans ajouter un mot, je relevai les yeux,
Et je vis aux reflets de son front radieux,
Que l’éternel rayon lui servait de couronne.
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Sa gloire et sa splendeur m’arrivaient sans mélanges :
« Ô toi par qui j’espère, ô saint amour des anges !
Toi qui, pour m’arracher aux pièges des pervers,
Laissas de ton passage un vestige aux enfers,
Tu m’as montré le Ciel : C’est en suivant ta trace,
Que j’ai compris de Dieu la puissance et la grâce.
D’humble et d’esclave, un jour tu m’as fait libre et fort ;
Tu m’ouvris les sentiers qui conduisent au port…
Car que ne peux-tu pas, ô chère et sainte Dame !
Veille sur moi ; c’est peu d’avoir sauvé mon âme ;
Rends-la digne de toi, quand, du milieu des morts,
Cette âme aura quitté les vils liens du corps !… »

(paradis. — Chants 30 et 31e passim.)