Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrages célèbres. Moins que personne je crois aux révolutions soudaines, aux changements opérés à coup de baguette. Dans le domaine de l’art et de l’intelligence surtout, rien ne se fait par bonds et par sauts ; et je ne suis pas assez naïf pour penser que si le prince Poniatowski, ou tout autre, fait exécuter en Italie un opéra de Weber ou de Mozart, le goût de la musique vraiment dramatique y renaîtra aussitôt comme par enchantement. Je crois au contraire que, pour faire une semblable tentative, il faudrait s’armer de beaucoup de résolution, se résigner à s’entendre dire infiniment d’absurdités, et n’avoir pour soi, pendant longtemps, qu’une minorité imperceptible. Mais lorsqu’à des goûts et à des talents d’artiste on réunit les avantages d’une position sociale indépendante, ce serait un orgueil bien placé que celui d’essayer de provoquer, d’encourager par tous les moyens une réforme théâtrale sans laquelle, avant peu d’années, l’Italie se trouvera complètement en dehors du mouvement progressif qui s’accomplit chez les autres nations.

Puisque je suis en train de vous parler de réforme, je ne saurais passer sous silence celle que propose en ce moment au Saint-Siège un artiste auquel une longue carrière glorieusement fournie donne le droit de parler avec autorité. Après une absence d’environ trente années, Spontini, désireux de repos, éprouvant peut-être le besoin de respirer l’air natal a demandé à son auguste protecteur, le roi de Prusse, la permission de retourner en Italie.