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considérée comme une œuvre à part, qui, détachée du reste, garderait toujours sa valeur intrinsèque, et serait comprise et admirée de ceux mêmes qui ne connaîtraient pas le drame dont elle est le magnifique résumé. Il n’en est pas ainsi du prologue instrumental qui précède Lohengrin. Trop court, car il n’a que soixante-quinze mesures, pour être exécuté séparément, il n’est qu’une sorte de formule magique, qui, comme une initiation mystérieuse, prépare nos âmes à la vue de choses inacoutumées et d’un sens plus haut que celles de notre vie terrestre. Cette introduction renferme et révèle l’élément mystique, toujours présent et toujours caché dans la pièce ; secret divin, ressort surnaturel, suprême loi de la destinée des personnages, et de la sucession des incidens que nous allons contempler. Pour nous apprendre l’inénarrable puissance de ce secret, Wagner nous montre d’abord la beauté ineffable du sanctuaire, habité par un Dieu qui venge les opprimés, et ne demande qu’amour et foi à ses fidèles. Il nous initie au St  Graal ; il fait miroiter à nos yeux ce temple de bois incorruptible, aux murs odorans, aux portes d’or, aux solives d’asbeste, aux colonnes d’opales, aux ogives d’onyx, aux parvis de cymophane, dont les splendides portiques ne sont approchés, que de ceux qui ont le cœur élevé, et les mains pures. Il ne nous le fait point appercevoir, dans son imposante et réelle structure, mais comme ménageant nos faibles sens,