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région encore inexplorée, presqu’aussi éloignée du récitatif banal, que des phrases cadencées de nos grands airs. Il faut au contraire être préparé à voir des personnages trop pleins de leurs passions, pour se livrer aux passe-temps de la vocalise, et en qui le chant devient comme la versification de la tragédie, un langage naturel, lequel loin d’entraver la marche de l’action dramatique, ne la rend que plus saisissante. Mais tandis qu’ils déclament avec une simplicité qui s’élève au sublime, la musique, loin de perdre de l’étendue de son domaine, trouve dans l’orchestre de Wagner, ses limites reculées bien au loin. C’est lui qu’il charge de refléter, pour nous les révéler, l’âme, les passions, les sentimens, les moindres émotions de ses personnages. L’orchestre devient chez lui comme l’écho, le vêtement subtil qui nous laisse percevoir toutes les vibrations de leurs cœurs ; on dirait qu’ils palpitent dans ce milieu, et qu’à travers ses parois sonores et diaphanes, nous en surprenons depuis les plus impétueux bondissemens, jusqu’aux plus légers frissons. Là, nous entendons les cris de la haine, les rages de la vengeance, les tendresses de l’amour, les extases de l’adoration ; les plus mystiques rêves s’y dessinent dans un vague nébuleux ; les plus fières impulsions s’y colorent de teintes éclatantes.

Chacun des ouvrages de Wagner a marqué un