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inspiration inconnue, se partagèrent non-seulement en patries, mais en religions diverses. Le fanatisme ajouta ses haines et ses discordes à celles des nationalités. Ce malheur, qui était cependant un progrès, car il donnait au sentiment une supériorité sur l’intérêt matériel, devait nécessairement diminuer le prestige du génie et du talent, et l’on continua à profiter de leurs dons, mais en négligeant de leur en rendre grâces. En proie aux horreurs d’une confusion, que rendaient également épouvantable les brutalités de la barbarie nouvelle et les raffinemens de la dépravation antique, le moyen âge ne put voir la grandeur que dans la piété, ne voulut adorer que la sainteté, n’admira que la pureté. Il canonisa les grands rois ; il se prosterna sur les tombes des martyrs ; il admira les chastes preux, et rêva les chevaliers du St. Graal. L’excès de la douleur rend insensible à tout ce qui ne lui apporte pas un soulagement immédiat, et lorsque les vicissitudes du sort sont fréquentes, ni le génie, ni le talent n’ont à donner de soulagement aussi efficace que celui d’une espérance transmondaine. En outre, dans cette mêlée de tant d’élémens contraires, qui devaient par leur fermentation et leurs bouillonnemens faire surgir du fond de ce chaos une civilisation plus belle, la puissance individuelle dans les souverains eux-mêmes, était singulièrement resserrée par la puissance des choses. Le génie n’avait que peu à