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les baisers que la brise surprend aux cordes de la lyre, n’ose du moins se livrer à ces songeuses licences que dans l’obscur mystère de quelque antre introuvable. Quelle autre nation eut privé la volupté, et l’idéal de la félicité matérielle, de la lumière et des caresses du soleil, du Dieu loin duquel les Muses se taisent, des tièdes embrassemens du zéphyr, des molles cadences de l’air faisant gémir doucement une mer au repos, comme une amante qui attend ? Il fallait le spiritualisme indélébile de l’esprit teutonique, pour écarter instinctivement la Nature de ces impures délices, et préserver ses chastes beautés de l’attouchement de sens impudiques, et de cyniques flétrissures. En déterrant cette légende enfouïe sous la poussière des vieilles chroniques, et en la choisissant pour sujet de son poëme, Wagner a eu la main heureuse, comme tous ceux qui prennent leur bien où ils le trouvent, ayant un bien à trouver.

La naïve hardiesse et l’inconsciente étrangeté propre aux inventions populaires, lui ont fourni dans cette Sage, une forme encore inusitée, par laquelle, échappant aux ennuis et aux inconvéniens des comparaisons inévitables, il a pu rajeunir une matière et reprendre une pensée déjà traitée de main de maître, plus d’une fois, et sous plus d’un aspect. L’originalité de cette charpente lui a permis d’aborder son sujet comme s’il n’avait point eu de dévan-