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reste pas moins il est vrai, poëte et prosateur distingué ; mais quelque poëte qu’il soit, il ne trouve que dans la musique la complète formule de son sentiment, si bien, que seul il pourrait nous dire s’il adapte ses paroles à ses mélodies, ou s’il cherche des mélodies à ses paroles. Le récit amer et poignant qui tombe avec de douloureux sarcasmes de la lèvre plissée par le désespoir du malheureux excommunié, se poursuit à travers des émotions si navrantes, qu’il s’est rencontré des personnes hors d’état d’y assister jusqu’au bout. Dans cette multiplicité d’aveux échappés aux plus cruels tourmens, le chant, le récitatif, la parole, l’interjection, le cri, le rire sardonique se succèdent et s’entremêlent avec une telle vérité pathologique, une telle science toxicologique, une telle variété de mouvemens passionnés, désolés et révoltés, selon que les espérances accordées et frustrées, la pitié due à un cuisant remords obstinément déniée, le pardon d’une faute amèrement déplorée à jamais rendu impossible, les instantes supplications repoussées, les repentirs ardens dédaignés, enfin le terrifiement dernier du désastre irréméable viennent se retracer dans une énumération haletante, que ce moment forme à lui seul un drame dans le grand drame, et par ses sombres couleurs et son épouvantable angoisse, se détache de ce qui l’a précédé ainsi que de ce qui va suivre, comme une évocation qui aurait brisé les scellés de l’abîme des maux, pour surgir