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dût être un thème ingrat et fade, tant on avait mal réussi à lui donner de l’interêt ; et voilà que cette aspiration ravie, simple, uniforme et infinie, vient d’inspirer une des œuvres d’art les plus pathétiques, car, sans conteste, la partie la plus poétiquement belle de cette partition, est cette inspiration que l’orchestre développe d’abord dans une si exquise instrumentation, et qui chaque fois que l’intervention miraculeuse du St Graal est remémorée, revient comme pour nous ouvrir un aperçu de l’Eden, où chatoient à nos yeux des flots d’amour célestes, de divins bonheurs, de gloires radieuses, d’exultations béatifiques.

Elsa, âme ardente et faible, rêve, prie, aime et trouve des accens, des accords sublimes en rêvant, priant et aimant. Son chant est comme l’haleine cadencée d’une respiration magnétique ; il se perd dans l’infini, et touche à un insaisissable idéal, comme dans un vague horizon, des flots bleus se confondent avec un ciel bleu. Son entrevue avec Ortrude en succédant aux stridentes apostrophes de cette femme d’une barbare énergie, que chaque personnage du drame vient à son tour appeler : « une effrayante femme ! » offre en musique, la transition que présente à nos regards, les tableaux de sainte Marguerite, aux yeux humides dans leur cristalline pureté et leur douce aménité, entourées des reptiles hideux