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ner comme gagné par elle, répète deux fois ce dernier memento, par une rare exception à son système de musique déclamée.

Soudain, le peuple muet et stupéfait voit apparaître le cygne amenant derechef la même nacelette. Le motif de l’introduction qui avait été repris dans son entier est coupé une seconde fois par celui qui individualise Lohengrin, transposé à présent en mineur, attristé, et voilé de deuil. Elsa se précipite aux genoux de son époux, qui lui reproche doucement, mais avec toute l’affliction de l’amour, d’avoir brisé leur félicité, de s’être jouée de son cœur ! L’Empereur, les seigneurs, le peuple veulent le retenir. « Je dois,... je dois partir !.. Le St Graal m’appele ! » répond-il. En apercevant le cygne, Elsa pousse un cri de suprême terreur. Lohengrin découvre encore, « que si un des chevaliers du temple saint restait parmi les hommes après en avoir été reconnu, non-seulement il perdrait aussitôt toute sa force invincible, mais qu’il deviendrait plus faible qu’une femme. » Il s’avance vers la rive, et, s’adressant avec une douleur sans pareille, à ce cygne mystérieux pour lui dire « qu’il espérait ne le voir que dans un an, et sous une autre forme », il module le chant de la première introduction avec un accompagnement de violon en constant tremolo, qu’on dirait les tressaillemens du souffle ému des airs. Il se retourne encore, pour