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la réplique que pour répondre à sa propre pensée. On s’échauffe, non pour celui à qui l’on parle, mais pour celui à qui l’on va parler. D’autres fois, des plaisanteries échappées connue par raégarde sont tristement sérieuses, quand elles partent d’un esprit qui cache sous ses gaietés d’étalage d’ambitieuses espérances et de lourds mécomptes, dont personne ne peut le railler ni le plaindre, personne n’ayant connu ses audacieux espoirs et ses insuccès secrets.

Aussi, que de fois des gaietés intempestives suiventelles de près des recueillemens âpres et farouches, tandis que des désespérances pleines d’abattement se changent soudain en chants de triomphe, fredonnés à la sourdine. La conspiration étant à l’état de permanence dans tous les esprits, la trahison apparaissant à l’état de possibilité dans tous les momens de défaillance ; la conspiration formant un mystère qui, à peine soupçonné, jette l’homme dans le gouffre de la police moscovite et ne le rejette dans la vie que comme un naufragé nu sur la plage ; la trahison constituant un plus terrible mystère qui, à peine soupçonné, métamorphose l’être humain en une bête vénimeuse dont la seule haleine est reputée pestiférée, — comment chaque homme ne serait il pas une énigme indéchiffrable à tout autre qu’à une femme aux intuitions divinatrices, qui veut devenir son angegardien en le retenant sur la pente des conspirations ou en le préservant des séduisans appâts de la trahison ? Dans ces entretiens pailletés d’or et de cuivre, où le