Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs enfans dans l’attente du jour où ils tireront l’épée contre les maîtres de la veille, la femme saisit le cœur de l’homme en ses paroles brûlantes, comme une mère saisit la tête de son enfant en ses paumes fiévreuses et la tournant vers le ciel, lui crie : voilà où est ton Dieu !.. Elle a des sanglots étouffés dans la voix, des larmes pour lui seul visibles dans les yeux. Elle supplie et elle commande à la fois, elle met son sourire à prix ; et ce prix, c’est l’héroïsme ! Si elle détourne la tète, elle semble jeter l’homme dans le gouffre de l’opprobre ; si elle lui rend l’éclat solaire de son beau visage, elle semble le tirer du néant ! Or, à chaque mazoure (pii se danse là bas, il y a un homme dont le regard, la parole, l’étreinte angoissée, ont rivé pour jamais à l’autel sacré de la patrie le co’iir d’une femme, dont il dispose ainsi seulement et sur lequel il n’a pas d’autre droit. Il y a une femme dont les veux moites, la main effilée, le souffle parfumé murmurant des mots magiques, ont à jamais enrôlé un cœur d’homme dans ces milices sa’crées où les chaînes d’une femme font trouver legères les chaînes de la prison et de la kibitka. Cet homme et cette femme ne reverront peut-être jamais leur partner ; pourtant, l’un aura déterminé le sort de l’autre en lui jetant dans l’âme ces cris que nul n’entendait, mais qui à partir de ce jour la rongeaient ou la vivifiaient comme des morsures de feu, en lui répétant : Pairie. Honneur, Liberté ! Liberté, liberté surtout ! Haine de l’esclavage et haine du despotisme,