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ranger en front de bataille ! Au bout d’une heure ou deux le même cercle se reforme pour terminer la danse dans une ronde d’une rapidité étourdissante, durant laquelle maintes fois, pour peu que l’on se sente entre soi, le plus ému et le plus enthousiaste des jeunesgens entonne le chant de la mélodie que joue l’orchestre. Danseurs et danseuses s’y joignent aussitôt en chœur, pour en répéter le refrain amoureux et patriotique à la fois. Les jours où l’amusement et le plaisir répandent parmi tous une gaieté exaltée, qui pétille comme un feu de sarment dans des organisations si facilement impressionnables, la promenade générale est encore reprise ; son ps accéléré ne permet guère de soupçonner la moindre lassitude chez les femmes de là bas, créatures aussi délicates et endurantes que si leurs membres possédaient les obéissantes et infatigables souplesses de l’acier.

Il est peu de plus ravissant spectacle que celui d’un bal en Pologne, quand la mazoure une fois commencée, la ronde générale et le grand défilé terminés, l’attention de la salle entière, loin d’être offusquée par une multitude de personnes s’entre-choquant en sens divers comme dans le reste de l’Europe, ne s’attache que sur un seul couple, d’égale beauté, se lançant dans l’espace vide. Que de momens divers pendant les tours de la salle de bal ! Avançant d’abord avec une sorte d’hésitation timide, la femme se balance comme l’oiseau qui va prendre son vol ; glissant longtemps d’un seul