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légèrement touchées. Puis, toutes les sonorités interrompues reprenaient leur cours ; les pas légers et les pas lourds recommençaient, les bracelets heurtaient les bagues, les éventails frôlaient les fleurs, les voix, les rires reprenaient et la musique engloutissait tous les chuchottemens dans ses retentissemens. Quoique préoccupé , absorbé en apparence par ces multiples manœuvres qu’il lui fallait inventer ou reproduire fidèlement, le cavalier trouvait encore le temps de se pencher vers sa dame et, profitant de quelque instant favorable, lui glisser à l’oreille, de doux propos si elle était jeune, des confidences, des sollicitations, des nouvelles intéressantes, si elle ne l’était plus. Après quoi, se relevant fièrement, il faisait sonner l’or de ses éperons, l’acier de ses armes, caressait sa moustache, et donnait à tous ses gestes une expression qui obligeait la femme à y répondre par une contenance compréhensive et intelligente.

Ainsi, ce n’était point une promenade banale et dénuée de sens qu’on accomplissait ; c’était un défilé où, si nous osions dire, la société entière faisait la roue et se délectait dans sa propre admiration, en se voyant si belle, si noble, si fastueuse et si courtoise. C’était une constante mise en scène de son lustre, de ses renommées, de ses gloires. Là, les évêques, les hauts prélats et gens d’église’), les hommes blanchis dans les camps

1) Jadis les primats, les évêques, les prélats, s’associaient à la polonaise et y occupaient le premier rang durant son premier parcours.