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une sensibilité nerveuse et inquiète amène un remaniement de motifs d’une persistance acharnée, pénible comme le spectacle des tortures que causent ces maladies de l’âme ou du corps qui n’ont que la mort pour remède. Chopin était en proie à un de ces mals qui, empirant d’année en année, l’a enlevé jeune encore. Dans les productions dont nous parlons on retrouve les traces des douleurs aiguës qui le dévoraient, comme on trouverait dans un beau corps celles des griffes d’un oiseau de proie. Ces œuvres cessent-elles pour cela d’être belles ? L’émotion qui les inspire, les formes qu’elles prennent pour s’exprimer, cessent-elles d’appartenir au domaine du grand art ? — Non. — Cette émotion étant d’une pure et chaste noblesse dans ses regrets navrans et son irrémédiable désolation, appartient aux plus sublimes motifs du cœur humain ; son expression demeure toujours dans les vraies limites du langage de l’art, n’ayant jamais ni une velléité vulgaire, ni un cri outré et théatral, ni une contorsion laide. Du point de vue technique l’on ne saurait nier non plus que loin d’être diminuée, la qualité de l’étoffe harmonique n’en devient que plus intéressante par elle-même, plus curieuse à étudier.