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mais il dora d’une reconnaissance attendrie les remercîmens qu’il adressait aux amis qui venaient le visiter. Les premiers jours d’octobre ne laissèrent plus ni doute, ni espoir. L’instant fatal approchait ; on ne se fiait plus à la journée, à l’heure suivante. La sœur de Chopin et M. Gutmann, l’assistant constamment, ne s’éloignèrent plus un instant de lui. La comtesse Delphine Potocka, absente de Paris, y revint en apprenant que le danger devenait imminent. Tous ceux qui approchaient du mourant ne pouvaient se détacher du spectacle de cette âme si belle, si grande à ce moment suprême.

Quelque violentes ou quelque frivoles que soient les passions qui agitent les cœurs, quelque force ou quelque indifférence qu’ils déploient en face d’accidens imprévus qui sembleraient devoir être les plus saisissans, la vue d’une lente et belle mort récèle une imposante majesté, qui émeut, frappe, attendrit et élève les âmes les moins préparées à ces saints recueillemens. Le départ lent et graduel de l’un d’entre nous pour les rives de l’inconnu, la mystérieuse gravité de ses pressentimens secrets, des révélations intraduisibles qu’il reçoit, de ses commémorations d’idées et de faits, sur ce seuil étroit qui sépare le passé de l’avenir, le temps de l’éternité, nous remue plus profondément que quoi que ce soit en ce monde. Les catastrophes, les abîmes que la terre ouvre sous nos pas, les conflagrations qui enlacent des villes entières de leurs écharpes enflammées, les horribles alternatives subies par le fragile