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Il faut admirer, car entre tant de milliers d’hommes qui ont exhalé leur dernier souffle dans un soupir de volupté ignominieuse, dans une imprécation furibonde ou dans un exorcisme tremblant et couard, bien peu ont su allier avec le respect qu’on se garde à soi-même, en respectant le souvenir de ce qu’on a eu tort d’aimer, mais de ce que l’on n’a point aimé d’un amour indigne… le respect qu’on doit à son honneur en brisant un lien qui devient déshonorant ! C’est là qu’il faut un male courage, que tant de mâles héros n’ont pas eu. Chopin a su le déployer, se montrant ainsi vrai gentilhomme, digne de cette société qui l’avait enchâssé dans ses cadres, digne de ces femmes dont le regard l’avait si souvent transpercé de part en part de leur suave rayon. Il ne récrimina point, il ne permit aucun tiraillement. En éloignant l’idéal qu’il portait en lui, d’une réalité odieuse, il fut aussi inflexible dans sa résolution que doux pour le souvenir de ce qu’il avait aimé !

Chopin sentit, et répéta souvent, que cette longue affection, ce lien si fort, en se brisant, brisait sa vie. N’eût-il pas mieux valu que moins inexpérimenté, plus réfléchi, mieux préparé à des séductions fallacieuses, il eût agi selon la vraie nature de son être intérieur, selon les vrais penchans de son caractère, selon les nobles accoutumances de son âme, en refusant fermement, avec une force virile, d’accepter le tissu de joies éphémères, d’illusions à courte é(héances, de douleurs consumantes, si bien symbolisées dans l’antiquité