Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne compte qu’avec les joies d’ici-bas et n’en attend aucune de là-haut ; d’un esprit de femme qui a foi en luimême et n’a point foi en l’amour, plus fort que la mort ? Pour marier en un ensemble presque transmondain, les stupéfiantes affirmations du génie et les adorables privations d’un attachement sans bornes et sans fin, ne faut-il pas avoir ravi en plus d’une veille angoissée, en plus d’une journée de larmes et de sacrifices, quelques-uns de leurs secrets surhumains aux chœurs angéliques ?

Parmi ses dons les plus précieux, Dieu prêta à l’homme le pouvoir de créer à son instar, en tirant du néant,— non pas comme lui créateur, auteur de tout ce qui est bon, matière et substance ; —mais, comme lui formateur, auteur de tout ce qui est beau, formes et harmonies, pour leur faire exprimer sa pensée où il incarne un sentiment incorporel en des contours corporels, dont il dispose et qu’il dispose au gré de sou imagination, pour être perçues par la vue, ce sens qui fait connaître et penser ; par l’ouïe, ce sens qui fait sentir et aimer ! Véritable création, dans la plus belle signification du mot, l’art étant l’expression et la communication d’une émotion au moyen d’une sensation, sans l’intermédiaire de la parole, nécessaire pour révéler les faits et les raisonnemens. Après cela, Dieu donna à l’artiste (et dans ce cas le poète devient artiste, car c’est à la forme du langage, prose ou poésie, qu’il doit son pouvoir) un autre don qui correspond au premier, comme la vie éternelle correspond à la vie du temps,