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on voyait qu’ils étaient fiers que Chopin fut de leur sang, mais qu’ils ne se doutaient guère« que sa musique parlait expressément d’eux, qu’elle les mettait en scène et les poétisait.

Il faut dire aussi qu’un autre temps, une autre génération, étaient survenus. La Pologne que Chopin avait connue, venait de cueillir, si vaillament et si galamment, ses premiers lauriers européens sur les champs de bataille légendaires de Napoléon I. Elle avait jeté un éclat chevaleresque avec le beau, le téméraire, l’infortuné Pce JosephPoniatowski, se précipitant dans les flots de l’Elster encore surpris de l’audace qu’ils eurent de l’engloutir, encore stupéfaits devant le , renom qui s’attacha à leurs prosaïques bords, depuis qu’un magnifique saule pleureur vint ombrager de si illustres mânes ! La Pologne de Chopin était encore cette Pologne enivrée de gloire et de plaisirs, de danses et d’amours, qui avait héroïquement espéré au congrès de Vienne et continuait follement d’espérer sous Alexandre I. — Depuis, l’empereur Nicolas avait régné ! — Les émotions élégantes et diaprées d’alors, épouvantées dès l’abord par les gibets, ne survivaient plus que la mort dans l’âme. Bientôt elles furent submergées sous un océan de larmes ; elles périrent étouffées dans les cercueils, elles furent oubliées sous les poignantes réalités d’un exil réduit à la mendicité, sous la constante oppression des deuils saignans, de la confiscation et de la misère, des cachots de Petrozawodzk,