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nul ne le lui a jamais demandé, nul en sa présence n’eût eu le loisir d’y songer ! Sa conversation se fixait pou sur les sujets émouvans. Il glissait dessus et, comme il était peu prodigue de ses instans, la causerie était facilement absorbée par les détails du jour. Il primait soin d’ailleurs de ne pas lui permettre de s’extravaser en digressions, dont il eût pu devenir le sujet. Son individualité n’appelait guère les investigations de la curiosité, les pensées chercheuses et les stratagèmes scrutateurs ; il plaisait trop pour faire réfléchir.

L’ensemble de sa personne, étant harmonieux, ne paraissait demander aucun commentaire. Son regard bleu était plus spirituel que rêveur ; son sourire doux et fin ne devenait pas amer. La finesse et la transparence de son teint séduisaient l’œil, ses cheveux blonds étaient soyeux, son nez recourbé expressivement accentué, sa stature peu élevée, ses membres frêles. Ses gestes étaient gracieux et multipliés ; le timbre de sa voix un peu assourdi, souvent étouffé. Ses allures avaient une telle distinction et ses manières un tel cachet de haute compagnie, qu’involontairement on le traitait en prince. Toute son apparence faisait penser à celle des convolvulus, balançant sur des tiges d’une incroyable finesse leurs coupes divinement colorées, mais d’un si vaporeux tissu que le moindre contact les déchire. Il portait dans le monde l’égalité d’humeur des personnes que ne trouble aucun ennui, car elles ne s’attendent