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impérieuse, quand sous des formes nouvelles un génie novateur introduit dans l’art des sentimens qui n’y avaient pas encore été exprimés. Alors on l’accuse de ne savoir ni ce qu’il est permis à l’art de dire, ni la manière dont il doit le dire.

Les musiciens ne sauraient même espérer que la mort apporte à leurs travaux cette plus value instantanée qu’elle donne à ceux des peintres et aucun d’eux ne pourrait renouveler au profit de ses manuscrits, le subterfuge d’un des grands maîtres flamands qui voulut de son vivant exploiter sa gloire future, en chargeant sa femme de répandre le bruit de son décès pour faire renchérir les toiles dont il avait eu soin de garnir son atelier. Les questions d’école peuvent aussi dans les arts plastiques retarder de leur vivant, l’appréciation équitable de certains maîtres. Qui ne sait que les admirateurs passionnés de Rafael fulminaient contre Michel-Ange, que de nos jours on méconnut longtemps en France le mérite d’Ingres, dont ensuite les partisans dénigrèrent celui de Delacroix, pendant qu’en Allemagne les adhérens de Cornélius anathématisaient ceux de Kaulbach, qui le leur rendaient bien. Mais, en peinture ces guerres d’école arrivent plutôt à une solution équitable, parceque le tableau ou la statue d’un novateur une fois exposés, tous peuvent-la voir ; la foule y accoutume ainsi ses yeux, pendant que le penseur, le critique impartial, (s’il y en a,) est à même de l’étudier consciencieusement et d’y découvrir le mérite réel de la