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théorie, et qui est cependant un homme de beaucoup de réflexion et d’expérience, n’a point trempé dans les systèmes. Lui à qui la France doit un tableau statistique de ses forces

    d’esprit pût attacher de l’importance à de pareilles misères ; mais il y a des amours-propres maladifs que rien ne satisfait.
          « Cet ouvrage, dit M. Blanqui, semble avoir été traduit avec amour par un complice. » Complice de quel crime, s’il vous plaît ? Ce crime, c’est celui de la modération ; on avait inventé, sous la terreur, le crime de modérantisme ; M. Blanqui le ressuscite, et, Fouquier-Tinville du libre-échange, il s’engage à le poursuivre de ses réquisitoires impitoyables ; il aura, nous le craignons, comme son prédécesseur, de nombreux procès à instruire.
          Mais voici quelque chose de plus fort. « Frédéric I.ist, dit M. Blanqui, a trouvé dans Henri Richelot un traducteur à la hauteur de ses principes. Tant vaut la préface de l’un, tant vaut la préface de l’autre. C’est la même incertitude de doctrine, le même trouble de la conscience ; Ils sentent bien, tous deux, qu’ils ne sont pas dans la bonne voie ; pourtant, si j’avais à décider quel est celui des deux qui me paraît le plus sincère, je préférerais l’Allemand ; et je crains bien que le traducteur n’ait publié sa traduction qu’en vue de plaire aux astres qui brillaient naguère sur l’horizon républicain, filateurs, maîtres de forges et autres coryphées de cette brillante Assemblée législative qui se pâmait d’admiration devant les discours prohibitionnistes de M. Thiers. »
          A de telles insinuations ma réponse sera facile. N’ayant jamais soutenu d’autres doctrines commerciales que celles que je professe dans ma préface, et ce sont les doctrines qui prévalent dans les grandes administrations du continent, je crois pouvoir être cru quand j’affirme que j’ai fait une œuvre de bonne foi, que ma conscience est parfaitement tranquille, et que j’ai l’intime conviction d’être dans la bonne voie. Dès 1845, avant que le libre échange eût arboré son drapeau en France, j’avais eu occasion d’exprimer le cas que je faisais du Système national. En mettant ce beau livre à la portée des lecteurs français, j’ai suivi ma propre inspiration ; je n’ai reçu commission de personne ; dans l’accomplissement de cette tâche laborieuse et d’un mince profit, je n’ai été mû, je n’ai été soutenu que par un sentiment élevé de l’intérêt public ; et je repousse avec mépris une calomnieuse accusation.
          Si M. Blanqui en veut aux morts, à List, pour ce que nous savons, à la défunte Assemblée législative pour n’avoir pas goûté ses statistiques, il en veut bien davantage aux vivants, et je suis le préféré de sa colère : « On peut pardonner bien des choses, dit-il, à un esprit aigri par la souffrance et par le malheur ; mais qu’ont donc fait à M. Richelot, heureusement bien portant, les économistes de son pays, pour qu’il se soit associé, dans sa préface de traducteur, aux haines et aux bizarreries de cet Allemand nébuleux et atrabilaire ? »
          Je remercie M. Blanqui de l’intérêt qu’il veut bien prendre à ma santé, et j’aime à croire, de mon côté, que l’émotion que lui a causée la publication du Système national n’aura pas altéré la sienne. Quoi qu’il en soit, je n’hésite