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dre et au travail ? Un tel régime ne serait-il pas préférable à la condition de ces misérables hordes de nègres libres comme on les appelle, ivrognes, paresseux, débauchés, mendiants, condition en comparaison de laquelle la misère irlandaise, sous sa forme la plus hideuse, peut être qualifiée d’aisance et de civilisation ?

Si l’on nous soutenait que le besoin des Anglais d’élever tout ce qui vit sur cette terre au même degré de liberté où ils sont eux-mêmes parvenus est si vif et si irrésistible qu’ils sont excusables d’avoir oublié que la nature ne procède point par sauts et par bonds, nous demanderions si la condition des castes inférieures de l’Hindoustan n’est pas beaucoup plus misérable et plus abjecte que celle des noirs en Amérique ? Comment il se fait que la philanthropie de l’Angleterre ne s’est jamais émue pour les plus infortunés de tous les mortels ? D’où vient que l’Angleterre n’a pris encore aucune mesure en leur faveur, et qu’elle ne s’est encore appliquée qu’à exploiter leur détresse, sans songer à intervenir pour la soulager ?

La politique anglaise dans les Indes orientales nous conduit à la question d’Orient. Si l’on retranche de la politique du jour tout ce qui se rapporte aux débats territoriaux, aux intérêts dynastiques, monarchiques, aristocratiques et religieux, aux relations entre les cabinets, on ne peut méconnaître que les puissances continentales ont dans la question d’Orient un grand et même intérêt économique. Les gouvernements pourront momentanément réussir à éloigner cette question sur l’arrière-plan, elle reparaîtra toujours plus grave sur le premier. C’est un fait, depuis longtemps reconnu par les hommes qui réfléchissent, qu’un pays tel que la Turquie, dont l’existence religieuse et morale, sociale et politique est minée de toutes parts, ressemble à un cadavre qui peut tenir encore quelque temps debout avec l’appui des vivants, mais qui n’est pas moins en décomposition. Il en est à peu près des Perses comme des Turcs, des Chinois comme des Hindous, et de même de toutes les autres populations asiatiques.