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par le concours de leurs efforts. L’état social de ces pays importe beaucoup moins à la première puissance commerciale, laquelle est déjà suffisamment pourvue de denrées tropicales par ses marchés fermés et soumis des deux Indes, ou du moins espère l’être.

La question si grave de l’esclavage doit être envisagée aussi en partie de ce point de vue. Nous sommes loin de méconnaître qu’il y a eu beaucoup de philanthropie et de droiture dans le zèle qu’a mis l’Angleterre à poursuivre l’affranchissement des noirs, zèle infiniment honorable pour le caractère britannique ; toutefois, quand nous considérons les résultats directs des mesures qu’elle a adoptées à cet effet, nous ne pouvons nous défendre de penser que la politique et l’intérêt mercantile y sont entrés aussi pour beaucoup. Voici ces résultats : premièrement, l’émancipation subite des noirs, le passage rapide d’une infériorité et d’une insouciance presque bestiale à un haut degré d’indépendance personnelle, doit avoir pour effet de diminuer énormément, et en définitive de réduire à peu près à zéro la production des denrées tropicales dans l’Amérique du Sud et dans les Indes occidentales ; l’exemple de Saint-Domingue, où, depuis l’expulsion des Français et des Espagnols, la production a décru d’année en année et ne cesse de décroître, en est une preuve sans réplique ; en second lieu, les noirs émancipés cherchant à obtenir des salaires toujours plus élevés, tout en bornant leur travail à la production des objets les plus indispensables, leur liberté ne peut aboutir qu’à la paresse ; troisièmement, l’Angleterre possède dans les Indes orientales des moyens d’approvisionner le monde entier en denrées tropicales. On sait que les Hindous, si laborieux, si adroits dans toutes les industries, sont d’une frugalité extrême par suite de leurs lois religieuses qui leur interdisent la viande. Ajoutez le manque de capital chez les indigènes, la grande fertilité du sol en produits végétaux, les entraves du système des castes et la grande concurrence des bras. Il résulte de tout cela que la main-d’œuvre est incomparablement moins chère dans les Indes orientales que dans