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où les relations commerciales entre les deux pays seraient interrompues par la guerre, si, par exemple, elle venait à ne pouvoir plus écouler en Angleterre son excédant en tissus de soie et en vins, et en même temps à manquer d’un objet indispensable tel que la toile.

On reconnaîtra, en y réfléchissant, que la question des toiles n’est pas seulement une question de prospérité matérielle, que c’est surtout, comme toutes celles qui se rattachent aux manufactures du pays, une question d’indépendance et de puissance nationales.

On dirait que l’esprit d’invention, dans le perfectionnement de l’industrie des toiles, s’est donne la mission de faire comprendre aux nations la nature de l’industrie manufacturière, ses rapports avec l’agriculture, son influence sur l’indépendance et sur la puissance des États, et de mettre en évidence les erreurs de la théorie. L’école, on le sait, soutient que chaque nation possède dans les diverses branches de travail, des avantages particuliers, dons de la nature ou résultats de l’éducation, qui s’égalisent sous la liberté du commerce. Nous avons prouvé, dans un chapitre précédent, que cette maxime n’est vraie que de l’agriculture, où la production dépend en grande partie du climat et de la fertilité du sol, mais qu’elle ne l’est pas de l’industrie manufacturière pour laquelle tous les peuples de la zone tempérée ont une égale vocation, pourvu qu’ils possèdent les conditions matérielles, intellectuelles, politiques et sociales requises à cet effet. L’Angleterre présente aujourd’hui un exemple éclatant à l’appui de notre doctrine. Si, par leur expérience, par leurs efforts persévérants et par les ressources de leur sol, des peuples ont été particulièrement appelés à la fabrication de la toile, ce sont assurément les Allemands, les Belges, les Hollandais et les habitants du nord de la France. Elle est depuis un millier d’années entre leurs mains. Les Anglais, au contraire, jusqu’au milieu du dernier siècle, y étaient si peu avancés, qu’ils importaient de l’étranger une grande partie des toiles qu’ils employaient. Jamais, sans les droits protecteurs qu’à cette époque ils lui accordèrent,