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que M. Poulett Thompson avait rédigées avec une rare habileté, et qui ont été imprimées en tête de son rapport. M. Thompson y affiche les maximes les plus libérales, et témoigne beaucoup de ménagement pour les intérêts manufacturiers de la France ; il regarde comme invraisemblable qu’on puisse, sous ce rapport, attendre de grands résultats des négociations projetées. Ces instructions étaient bien faites pour rassurer sur les intentions de l’Angleterre les intérêts, devenus si puissants, des industries françaises du coton et de la laine. D’après M. Thompson, il serait insensé de réclamer de leur part de fortes concessions. En revanche il insinue qu’il y aurait plus de chance de succès à l’égard des articles de moindre importance. Ces articles de moindre importance ne sont pas désignés dans les instructions, mais l’expérience de la France a suffisamment révélé ce que ce terme signifiait. Il s’agissait à cette époque d’ouvrir le marché français aux fils et aux tissus de lin de l’Angleterre.

Le gouvernement français, touché des observations du cabinet anglais et de ses agents, et désireux d’accorder à l’Angleterre une faveur peu importante et en dernière analyse avantageuse à la France elle-même, diminua les droits sur les fils et sur les tissus de lin, au point qu’en présence des progrès remarquables accomplis par les Anglais dans ces fabrications, ils cessèrent de protéger l’industrie française. Aussi les envois de ces articles que fit l’Angleterre en France dans les années suivantes s’accrurent-ils prodigieusement, jusqu’à 38 millions de francs en 1838 ; et la France, sur laquelle l’Angleterre avait ici pris l’avance, courut le risque de perdre entièrement, au grand préjudice de son agriculture et de toute sa population rurale, une industrie dont la production s’élevait à une valeur de plusieurs centaines de millions, à moins que, par une élévation de droits, elle n’opposât une digue à la concurrence anglaise.

Il est manifeste que la France fut dupée par M. Poulett Thompson. Évidemment ce dernier avait prévu, dès 1834, l’essor que la fabrication du lin en Angleterre allait prendre dans