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raisonnement de Huskisson, pour montrer combien l’Angleterre était imprudente de contraindre par ses lois sur les céréales les États-Unis à devenir manufacturiers, et combien Huskisson eût été habile si, au lieu de jouer avec des arguments frivoles et périlleux, il se fût appliqué à écarter les causes qui avaient provoqué le tarif américain de 1828.

Afin de prouver aux États-Unis les avantages de leur commerce avec l’Angleterre, Huskisson signalait l’accroissement extraordinaire de leurs exportations de coton ; mais les Américains savaient à quoi s’en tenir sur la valeur de ce nouvel argument. Depuis plus de dix ans, en effet, la production de l’Amérique du Nord en coton avait, d’année en année, tellement dépassé la consommation, que les prix avaient diminué à peu près dans la même proportion que l’exportation avait augmenté, à ce point qu’après avoir, en 1816, retiré 24 millions de dollars (125 millions 400 mille francs) de 80 millions de livres (36 millions de kilog.) de coton, les Américains n’avaient obtenu en 1826 que 2.5 millions de dollars (1 millions 750 mille francs), pour 204 millions de livres (92 millions et demi de kilogrammes).

Enfin, Huskisson menaçait les Américains de l’organisation sur une vaste échelle de la contrebande par le Canada. Il est vrai que, dans l’état actuel des choses, ce moyen est la plus grande entrave que puisse rencontrer le système protecteur aux États-Unis. Mais que suit-il de là ? Que les Américains doivent mettre leur tarif aux pieds du gouvernement britannique, et attendre humblement les décisions qu’il plaira à celui-ci de prendre chaque année au sujet de leur industrie ? Quelle folie ! Il s’ensuit seulement que les Américains prendront et s’incorporeront le Canada, ou, du moins, qu’ils l’aideront à se rendre indépendant, dès que la contrebande canadienne leur sera devenue intolérable. Mais n’est-ce pas le comble de la démence pour une nation parvenue à la suprématie industrielle et commerciale, de contraindre un peuple agriculteur qui lui est étroitement uni par les liens du sang, du langage et des intérêts, à devenir manufacturier, puis, en