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d’une interruption de commerce par suite de guerre, de non-intercourse, etc. Si l’on s’arrête au chiffre des valeurs importées et exportées, le raisonnement de Huskisson paraît plausible ; mais si l’on considère la nature des envois respectifs, on ne comprend pas comment Huskisson a pu employer un argument qui prouve le contraire de ce qu’il voulait établir. Les envois des États-Unis à l’Angleterre se composent, en totalité ou en majeure partie, de matières premières dont celle-ci décuple la valeur, dont elle ne peut se passer, et qu’elle ne peut tirer aujourd’hui d’autres contrées, du moins en quantité suffisante, tandis que toutes leurs importations d’Angleterre consistent en objets qu’ils pourraient ou fabriquer eux-mêmes ou acheter à d’autres pays. Si donc on envisage les suites d’une interruption de commerce entre les deux pays au point de vue de la théorie des valeurs, elles paraissent devoir être tout à fait désavantageuses pour les États-Unis, tandis que, appréciées au moyen de la théorie des forces productives, elles entraînent pour l’Angleterre un préjudice énorme. Chez celle-ci, en effet, les deux tiers des fabriques de coton s’arrêteraient et seraient ruinées, l’Angleterre perdrait, comme par un coup de baguette, une industrie dont le produit annuel surpasse de beaucoup la valeur collective de ses exportations ; les conséquences d’une pareille perte pour la tranquillité, pour la richesse, pour le crédit, pour le commerce et pour la puissance de l’Angleterre, sont incalculables. Quels seraient au contraire, les effets de l’interruption du commerce pour les États-Unis ? Obligés de fabriquer eux-mêmes les articles qu’ils tiraient jusque-là d’Angleterre, ils gagneraient en peu d’années ce que l’Angleterre aurait perdu. Nul doute que, comme autrefois entre l’Angleterre et la Hollande après l’acte de navigation, il ne s’ensuivît une lutte à mort ; et cette lutte aurait peut-être le même résultat que celle dont la Manche fut autrefois le théâtre. Ce n’est pas le moment de retracer tout au long les conséquences d’une rivalité qui, tôt ou tard, ce nous semble, éclatera par la force des choses. Ce qui précède suffit pour mettre en évidence le peu de solidité et le danger du