Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charles Dupin, dans son livre sur les forces productives de la France et sur les progrès de l’industrie française de 1814 à 1827, avait si bien retracé les effets de la politique commerciale suivie par la France depuis la Restauration, qu’un ministre français n’eût pu s’aviser de sacrifier une création d’un demi-siècle, si chèrement achetée, si riche en résultats et si pleine d’espérances, pour prix des merveilles d’un nouveau traité de Méthuen.

Le tarif américain de 1828 était une conséquence naturelle et nécessaire du système commercial de l’Angleterre, système qui repoussait les bois, les blés, les farines et les autres produits bruts des États-Unis, et n’admettait que leurs cotons en échange des articles manufacturés anglais.

Le commerce avec l’Angleterre ne profitait ainsi qu’au travail agricole des esclaves américains ; les États de l’Union les plus libres, les plus éclairés et les plus puissants se voyaient arrêtés dans leurs progrès matériels, et réduits à envoyer dans les solitudes de l’Ouest leur surcroît annuel de population et de capital. Huskisson connaissait parfaitement cet état de choses ; on savait que le ministre anglais à Washington l’avait plus d’une fois averti des conséquences que devait entraîner la politique de l’Angleterre. Si Huskisson avait été, en effet, tel qu’on l’a dépeint à l’étranger, il eût saisi cette occasion heureuse de la promulgation du tarif américain, pour faire comprendre à l’aristocratie anglaise l’absurdité de ses lois sur les céréales et la nécessité de leur abolition. Or, que fit Huskisson ? Il s’emporta contre les Américains ou du moins il affecta la colère, et, dans son émotion, il se permit des assertions dont l’inexactitude était connue de tous les planteurs américains, des menaces qui le rendirent ridicule. Huskisson soutint que les envois de l’Angleterre aux États-Unis formaient à peine le sixième de son exportation totale, tandis que ceux des États-Unis à l’Angleterre composaient la moitié de la leur. Il voulait prouver par là que les États-Unis dépendaient de l’Angleterre plus que l’Angleterre ne dépendait des États-Unis, et que l’Angleterre avait beaucoup moins à craindre