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la suprématie industrielle et commerciale de l’Angleterre ou à fasciner les nations rivales.

Du reste M. de Villèle n’avait pas besoin d’une grande pénétration pour s’apercevoir du piège que lui tendait Canning. L’expérience d’un pays voisin, l’Allemagne, qui, depuis l’abolition du système continental, n’avait cessé de rétrograder dans son industrie, lui fournissait une preuve éloquente de la valeur réelle du principe de la liberté commerciale tel qu’on l’entendait en Angleterre. De plus, la France se trouvait trop bien alors du système qu’elle avait adopté depuis 1815, pour se laisser tenter, comme le chien de la fable, de quitter la proie pour l’ombre. Les hommes les plus éclairés en matière d’industrie, tels que Chaptal et Charles Dupin, s’étaient exprimés de la manière la moins équivoque sur les résultats de ce système.

L’ouvrage de Chaptal sur l’industrie française n’est pas autre chose qu’une défense de la politique commerciale de la France et un tableau de ses résultats dans l’ensemble et dans les détails. La tendance de cet ouvrage ressort du passage suivant que nous lui empruntons[1] :

« Ainsi, au lieu de nous perdre dans le labyrinthe des abstractions métaphysiques, conservons ce qui est établi, et tâchons de le perfectionner.

« Une bonne législation de douane est la vraie sauvegarde de l’industrie agricole et manufacturière ; elle élève ou diminue les droits aux frontières, selon les circonstances et les besoins ; elle compense le désavantage que notre fabrication peut trouver dans le prix comparé de la main-d’œuvre ou du combustible ; elle protège les arts naissants par les prohibitions, pour ne les livrer à la concurrence avec les étrangers que lorsqu’ils ont pu réunir tous les degrés de perfection ; elle tend à assurer l’indépendance industrielle de la France, et elle l’enrichit de la main-d’œuvre, qui, comme je l’ai dit plusieurs fois, est la principale source des richesses. »

  1. De l’industrie française, tom. II, p. 417.