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de soieries, le parti libéral réclamait avec emportement, de même qu’en 1786, l’extension du commerce avec l’Angleterre, comme le vrai et unique moyen de développer la prospérité du pays.

Quelques reproches qu’on puisse adresser à la Restauration, elle rendit du moins à la France un service qu’on ne peut méconnaître et que la postérité ne lui contestera pas ; elle ne se laissa entraîner ni par les menées de l’Angleterre, ni par les clameurs des libéraux en matière de politique commerciale. Canning avait cette affaire tellement à cœur, que lui-même se rendit à Paris pour convaincre M. de Villèle de l’excellence de ses mesures et pour le déterminer à les imiter. Mais M. de Villèle était trop pratique pour ne pas pénétrer le stratagème ; et l’on assure qu’il répondit à Canning : « Si l’Angleterre, dans l’état d’avancement de son industrie, admet la concurrence étrangère dans une plus large mesure qu’auparavant, cette politique est conforme à son intérêt bien entendu ; mais actuellement il est dans l’intérêt bien entendu de la France d’accorder à ses fabriques, dont le développement est encore imparfait, la protection qui leur est indispensable. Quand le moment sera venu où la concurrence étrangère sera utile à l’industrie française, lui, Villèle, ne manquera pas de faire son profit des exemples de M. Canning. »

Irrité de ce refus, Canning, à son retour, se vanta en plein Parlement d’avoir attaché une pierre au cou du gouvernement français avec l’intervention en Espagne ; ce qui prouve que l’esprit cosmopolite et le libéralisme européen de Canning n’étaient pas aussi sérieux que les honnêtes libéraux du continent voulaient bien le croire ; car, si la cause du libéralisme sur le continent l’avait intéressé le moins du monde, comment Canning eût-il pu abandonner la constitution libérale de l’Espagne à l’intervention française, dans le but unique d’attacher une pierre au cou du gouvernement français ? La vérité est que Canning était un Anglais dans toute la force du terme, et qu’il n’admettait les idées philanthropiques et cosmopolites qu’autant qu’elles pouvaient lui servir à affermir et à étendre