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l’intérêt exclusif des manufactures et du commerce, de la navigation et des colonies ; réaliser par là des profits sur les amis comme sur les ennemis ; sur ceux-ci en interrompant leur commerce, sur ceux-là en ruinant leurs manufactures par des subsides payés sous la forme de produits manufacturés.

Jadis ces maximes étaient ouvertement proclamées par tous les ministres et par tous les membres du Parlement. Les ministres de Georges Ier, en 1721, déclarèrent franchement, à propos de la prohibition d’entrée sur les produits fabriqués de l’Inde, qu’une nation ne pouvait devenir riche et puissante, qu’en important des matières brutes et en exportant des objets manufacturés. Encore du temps de lord Chatham et de lord North on ne craignit pas de soutenir en plein Parlement qu’il ne fallait pas permettre à l’Amérique du Nord de fabriquer un fer de cheval.

Depuis Adam Smith une nouvelle maxime été ajoutée à celles qu’on vient d’énumérer, à savoir dissimuler la vraie politique de l’Angleterre à l’aide des expressions et des arguments cosmopolites imaginés par Adam Smith, de manière à empêcher les nations étrangères de l’imiter.

C’est une règle de prudence vulgaire, lorsqu’on est parvenu au faîte de la grandeur, de rejeter l’échelle avec laquelle on l’a atteint, afin d’ôter aux autres le moyen d’y monter après nous. Là est le secret de la doctrine cosmopolite d’Adam Smith et des tendances cosmopolites de son illustre contemporain William Pitt, ainsi que de tous ses successeurs dans le gouvernement de la Grande-Bretagne. Une nation qui, par des droits protecteurs et par des restrictions maritimes, a perfectionné son industrie manufacturière et sa marine marchande au point de ne craindre la concurrence d’aucune autre, n’a pas de plus sage parti à prendre que de repousser loin d’elle ces moyens de son élévation, de prêcher aux autres peuples les avantages de la liberté du commerce et d’exprimer tout haut son repentir d’avoir marché jusqu’ici dans les voies de l’erreur et de n’être arrivée que tardivement à la connaissance de la vérité.