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vivons ne paraît pas être de morceler le genre humain en phalanstères tels que ceux de Fourier, pour rendre les hommes aussi égaux que possible sous le rapport des jouissances intellectuelles et physiques, mais de perfectionner la force productive, la culture intellectuelle, le régime politique et la puissance des nations, et de les préparer, en les égalisant entre elles le plus possible, à l’association universelle. Car, à supposer que, dans l’état présent du monde, les phalanstères réalisent le but immédiat que se proposent leurs apôtres, on se demande quelle serait leur influence sur la puissance et sur l’indépendance du pays ? Une nation morcelée en phalanstères ne serait-elle pas exposée au danger d’être conquise par d’autres nations moins avancées, qui seraient restées dans leur ancien état, et de voir ces créations prématurées anéanties avec son existence tout entière[1] ?

Présentement la théorie de la valeur échangeable est tombée dans une telle impuissance qu’elle s’occupe presque exclusivement de recherches sur la nature de la rente, et que Ricardo, dans ses Principes d’économie politique, a été jusqu’à dire que déterminer les lois d’après lesquelles le produit du sol se partage entre le propriétaire, le fermier et l’ouvrier, constitue le principal problème de l’économie politique[2].

Tandis que quelques-uns déclarent hardiment que la science est complète et qu’il n’y a plus rien d’essentiel à y ajouter, ceux qui lisent avec le coup d’œil du philosophe ou de l’homme pratique les ouvrages qui en traitent, soutiennent qu’il n’y a point d’économie politique, que cette science est encore à créer, qu’elle n’a été jusqu’à présent qu’une astrologie, mais

  1. Ce passage remarquable, écrit en 1841, emprunte un nouvel intérêt de notre récente et lamentable histoire. (H. R.)
  2. Nul doute que le problème de la production ne domine celui de la distribution, en ce sens du moins qu’il faut qu’il y ait beaucoup de richesses créées pour qu’il y en ait beaucoup à répartir ; mais une forte préoccupation peut seule expliquer le dédain que List témoigne ici pour des travaux aussi sérieux que ceux de Ricardo, c’est-à-dire de l’économiste qui a jeté les bases de la science si importante de la distribution des richesses. (H. R.)