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et les populariser ; possédant à un haut degré le talent de systématiser et d’exposer, il y a pleinement réussi. On ne


    libre commerce fût accueillie, qu’on n’eût pas le moindre soupçon des dangers qu’elle portait dans son sein, et qu’Adam Smith représentât le système protecteur comme le produit de l’intérêt personnel et de l’esprit de routine des industriels.
      « Les progrès des sciences, les grandes inventions et, surtout, les machines, les changements politiques et commerciaux, ont, dans le cours des quatre-vingts dernières années, déterminé une révolution industrielle depuis laquelle ce qui précédemment avait passé pour sagesse est devenu folie, et ce qui avait paru éminemment avantageux se trouve plein de périls.
      « Pour nous faire une idée nette de la prépondérance que la puissance des capitaux et des machines a acquise sur le travail manuel, nous n’avons qu’à imaginer une lutte entre un bateau à vapeur et une barque. Quelques efforts que fassent les rameurs de la barque, fussent-ils au nombre de cent, fussent-ils doués d’une intelligence et d’une force de corps remarquables, ils seraient aisément distancés par deux hommes d’une capacité et d’une vigueur tout à fait ordinaires…
      « Précédemment un pays industriel ne pouvait produire pour les autres pays qu’une faible quantité d’objets manufacturés, parce que l’augmentation des salaires était un obstacle naturel à un développement extraordinaire de la production ; l’Angleterre, par conséquent, sous le régime de la liberté commerciale, n’aurait pu se présenter sur les marchés étrangers qu’avec le produit de centaines de mille d’ouvriers ; aujourd’hui, à l’aide de ses machines, elle offre sur ces mêmes marchés l’équivalent du produit de centaines de millions de bras, et il n’y a pas de raison pour que, sous la libre concurrence, elle ne centuple pas cette production.
      « Précédemment la concurrence internationale ne portait que sur les objets de luxe et que sur un petit nombre d’articles ; aujourd’hui les nations industrielles les plus avancées sont, par les prix minimes de leurs produits, en mesure de détruire toutes les manufactures des peuples moins avancés, et jusqu’à une grande partie de ces petites industries qu’on avait crues jusqu’à présent attachées aux localités.
      « Précédemment chaque industrie était quelque chose d’existant par soi-même, dont la prospérité et la conservation reposaient sur l’habileté des ouvriers et sur l’activité des entrepreneurs, dont l’existence n’était mise en péril que rarement et sous l’action persévérante de causes destructives, et dont la chute n’exerçait que peu d’influence sur l’ensemble du travail national ; aujourd’hui l’industrie manufacturière d’un grand pays forme un ensemble fondé sur la puissance des machines et sur la possession de capitaux considérables, qui permet aux nations les plus avancées, non-seulement d’exceller dans quelques branches, mais de primer dans toutes, non-seulement de supplanter pour un temps limité, dans quelques branches, les nations relativement en arrière, mais de les dépouiller de tout avenir industriel. » (H. R.)