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de la terre, et point la valeur des fonds de terre ; il ne voit pas que la plus grande partie de la richesse d’un pays consiste dans la valeur de ses fonds de terre et de ses immeubles. L’influence du commerce extérieur sur le prix des terres, les fluctuations et les calamités qu’il entraîne, ne le préoccupent nullement. En un mot, c’est le système mercantile[1] le plus absolu, le plus conséquent, et il est incroyable qu’on ait pu qualifier de ce nom le système de Colbert, tout industriel par ses tendances, puisque, sans tenir compte d’un gain ou d’une perte temporaire en valeurs échangeables, il n’a en vue que la création d’une industrie nationale, d’un commerce national.

Nous ne voulons point, toutefois, mettre en question les titres éminents d’Adam Smith. Le premier il a appliqué avec succès la méthode de l’analyse à l’économie politique. À l’aide de cette méthode et d’une pénétration extraordinaire, il a porté la lumière dans les branches les plus importantes de la science, restées jusque-là enveloppées de ténèbres. Avant Adam Smith, il n’y avait qu’une pratique ; ses travaux ont rendu possible la constitution d’une science de l’économie politique, et il a fourni à cet effet plus de matériaux que ses devanciers et que ses successeurs.

Mais les mêmes propriétés de son esprit auxquelles nous devons ses remarquables analyses économiques, expliquent aussi comment il n’a pas embrassé l’ensemble de la société, comment il n’a pu réunir les détails dans un tout harmonieux, comment il a négligé la nation pour les individus, comment, préoccupé de la libre activité des producteurs, il a

  1. Ce n’est pas là proprement un système mercantile, par la raison qu’un marchand éclairé comprend parfaitement, dans l’occasion, la nécessité de certains sacrifices actuels en vue de bénéfices à venir ; c’est un système libéral exagéré. Adam Smith a été conduit à prononcer un arrêt si absolu contre les restrictions douanières, non par un engouement pour le commerce extérieur qu’il jugeait infiniment moins avantageux que le commerce intérieur, mais par un respect outré de la liberté et par une foi trop vive dans la puissance de l’individu abandonné à lui-même. Il n’a pas d’ailleurs été toujours conséquent avec lui-même ; et, cette intervention du gouvernement dans l’industrie, qu’il réprouve, souvent avec raison, il l’a quelquefois conseillée dans des cas où elle ne produirait que du mal. (H. R.)