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absolument la politique et le gouvernement, elle suppose l’existence de la paix perpétuelle et de l’association universelle, elle méconnaît les avantages d’une industrie manufacturière nationale, ainsi que les moyens de l’acquérir, elle réclame la liberté absolue du commerce.

Adam Smith, marchant dans la voie où les physiocrates l’avaient devancé, a commis la faute capitale de considérer la liberté absolue du commerce comme une exigence de la raison, et de ne pas étudier à fond le développement historique de cette idée.

Le biographe intelligent d’Adam Smith, Dugald-Stewart, nous apprend que vingt-un ans avant la publication de son livre, c’est-à-dire en 1755, Smith avait, dans une Société littéraire, prononcé les paroles suivantes qui lui attribueraient la priorité de l’idée de la liberté du commerce[1] : « L’homme est ordinairement considéré par les hommes d’Etat et par les faiseurs de projets comme la matière d’une sorte d’industrie politique. Ces faiseurs de projets troublent les opérations de

  1. D’après Mac Culloch, Smith avait eu en Angleterre même plus d’un devancier dans cette voie de la liberté du commerce, par exemple Dudley North, Matthieu Decker, Josiah Tucker. (Note de la première édition.)
          — M. Roselier a publié en 1851 un écrit sur l’histoire de l’économie politique chez les Anglais. Après y avoir analysé les ouvrages des prédécesseurs de l’auteur de la Richesse des nations jusqu’à la fin du dix-septième siècle, il conclut dans les termes suivants :
          « Adam Smith n’a nullement découvert, comme on le croit communément, les vérités qu’il a exposées. Nous sommes loin de lui attribuer l’intention de rabaisser ses prédécesseurs ; mais il est certain qu’il a contribué en fait par son rare talent de forme et de systématisation à les mettre dans l’ombre, malgré leur mérite. Les principaux éléments de son système sont nationaux en ce sens que les germes s’en retrouvent chez les plus distingués de ses devanciers. Dans le détail même, beaucoup de résultats importants de l’âge d’or de l’économie politique anglaise avaient eu, depuis un demi-siècle et même plus tôt, leurs précurseurs. Par cette observation on ne diminue pas la gloire d’Adam Smith, pas plus qu’on ne le ferait en signalant les perfectionnements apportés à sa doctrine par ses successeurs. C’est, au contraire, faire d’un grand esprit le plus bel éloge que de le placer, pour ainsi dire, au centre de l’histoire, de telle sorte que tout ce qui le précède est comme sa préparation, et tout ce qui vient après lui comme son développement. » (H. R.)