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les mains de laquelle se trouvaient la Toscane et l’État de l’Église, a reçu de la Providence mission d’accomplir le grand œuvre ; que le moment est favorable pour innover, qu’un nouveau Moïse doit surgir pour délivrer son peuple de la servitude d’Égypte ; enfin que rien ne procure à un prince plus d’autorité et de gloire que de grandes entreprises[1].

Ce qui montre que, dans les autres chapitres, la pensée de l’ouvrage doit être comprise à demi-mot, c’est le langage tenu par l’auteur dans le neuvième touchant l’État de l’Église. C’est ironiquement qu’il dit que les ecclésiastiques ont des terres et qu’ils ne les gouvernent pas, des seigneuries et qu’ils ne les défendent pas ; que leurs terres, les plus heureuses de toutes, sont directement protégées par la divine Providence, qu’il serait téméraire de porter à leur sujet un jugement. Il est clair qu’il a voulu ainsi, sans se compromettre, donner à entendre qu’un conquérant hardi, surtout un Médicis, dont le pape était le parent, ne rencontrerait pas sur ce terrain de grands obstacles.

Mais comment, avec les sentiments républicains de Machiavel, expliquer les conseils qu’il donne à son usurpateur concernant les républiques ? Si ce républicain zélé, ce grand penseur et ce grand écrivain, ce patriote martyr conseille à l’usurpateur futur de détruire jusque dans ses racines la liberté des républiques, ne doit-on voir chez lui que le désir de gagner les bonnes grâces du prince auquel son livre est dédié et de poursuivre des avantages personnels ?

On ne peut nier que Machiavel, à l’époque où il écrivait le Prince, était dans le besoin, qu’il était inquiet de son avenir, qu’il désirait ardemment et qu’il espérait un emploi et un

  1. Frédéric le Grand, dans son Anti-Machiavel, ne considère le Prince que comme un traité purement théorique sur les droits et sur les devoirs des princes en général. Il est à remarquer qu’après avoir réfuté Machiavel chapitre par chapitre, il ne mentionne même pas le vingt-sixième et dernier, qui a pour titre : Appel pour délivrer l’Italie des étrangers, et qu’il intercale un chapitre complètement étranger à l’ouvrage de Machiavel, intitulé : Des différents modes de négociation et des motifs légitimes de déclarer la guerre.