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fication de cette conjecture. Il est évident que le Prince, composé en 1513, avait pour but de pénétrer les Médicis de cette idée, que leur maison était appelée à réunir l’Italie entière sous une seule main, et de leur indiquer les moyens d’atteindre ce but[1].

Le titre et la forme du livre, qui semble traiter du pouvoir absolu en général, ont été choisis visiblement par des motifs de prudence. Il n’y est question qu’en passant des princes héréditaires et de leur gouvernement. L’auteur n’a autre chose en vue qu’un usurpateur italien. Il faut que des principautés soient subjuguées, des dynasties renversées, la noblesse féodale abattue, la liberté des républiques anéantie. Vertus du ciel et ruses de l’enfer, prudence et audace, bravoure et perfidie, bonheur et hasard, l’usurpateur doit tout employer, tout mettre en œuvre, tout tenter pour fonder un empire italien. Puis on lui communique un secret dont la puissance a été suffisamment éprouvée dans les trois siècles suivants ; c’est de créer une armée nationale, à laquelle une nouvelle discipline, de nouvelles armes et une nouvelle tactique assurent la victoire[2].

Si la généralité de l’argumentation laissait subsister encore quelques doutes sur le but de l’auteur, le dernier chapitre les dissiperait. Il y déclare sans détour : que les invasions étrangères et le morcellement intérieur sont les causes principales de tous les maux de l’Italie, que la maison de Médicis, entre

  1. Dans un voyage en Allemagne, entrepris pendant l’impression du présent ouvrage, l’auteur a appris que les docteurs Ranke et Gervinus avaient porté sur le Prince le même jugement, (Note de l’auteur.)
      — À ces témoignages, on peut ajouter l’autorité de l’historien anglais Macaulay, qui, dans un travail récent, explique Machiavel par son époque ; nous disons explique, car il y a de ces choses qui ne se justifieront jamais. (H. R.)
  2. Tout ce que Machiavel a écrit avant et après le Prince, montre qu’il agitait de tels plans dans son esprit. Comment expliquerait-on sans cela que lui, savant, ambassadeur, fonctionnaire public, qui n’avait jamais exercé le métier des armes, se soit occupé de l’art de la guerre, à ce point que l’ouvrage qu’il a composé sur cette matière a excité l’admiration des premiers capitaines de son temps ?