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    manufacturière. L’accroissement de la population ne fait avancer l’industrie que dans les pays où elle a déjà une certaine perfection.
        Nous pensions, en conséquence, qu’une liberté entière du commerce n’est utile qu’à des peuples encore peu avancés et à des nations qui ont dépassé leurs concurrents. Elle est utile aux premiers, parce qu’elle leur procure un degré de civilisation plus élevé, qui s’infiltre, chez eux, sous la forme de nouveaux besoins et de moyens de les satisfaire ; elle est utile aux seconds, parce que des industries sans utilité peuvent seules y avoir besoin de protection. Pour des nations qui se trouvent dans une situation intermédiaire, au contraire, un système protecteur sagement dirigé est un excellent moyen d’éducation industrielle, quoiqu’il ne soit peut-être pas l’unique. Par une sage direction, nous entendons celle qui ne favorise que les industries dont le succès est probable et qui ne rencontrent d’obstacles ni dans la nature du pays, ni dans celle des habitants ; celle qui observe une saine logique dans l’introduction de nouvelles industries ; celle qui cherche à obtenir les plus grands effets à l’aide des plus petits sacrifices. La protection industrielle semble applicable surtout aux pays où deux des trois grands facteurs de toute production (la nature, le travail, le capital) se trouvent en abondance, et resteraient stériles par l’insuffisance du troisième, qui serait arrêté dans son développement par la concurrence étrangère.
        Ajoutons, enfin, une considération importante. Un individu qui voudrait approfondir toutes les sciences tenterait l’impossible ; et une nation ne saurait atteindre la perfection en toutes choses. Mais, comme un homme bien élevé doit avoir une instruction générale, de même une nation doit se développer dans plusieurs directions. La santé morale d’un peuple, comme celle d’un individu, repose sur l’harmonie des forces, sur leur action et leur réaction bien combinées. A ce point de vue, la protection industrielle peut être une excellente mesure d’hygiène économique en dérivant les forces des points où elles sont en surabondance vers ceux où elles font défaut. Dans le moyen âge d’une nation, l’agriculture et l’élément aristocratique prédominent. Pour qu’il y ait développement moral, il faut que les villes, les manufactures, les éléments mobiles et démocratiques s’étendent également. C’est là le but du système protecteur, qui s’établit, en effet, d’abord aux dépens des éléments autrefois dominants. Il est assez remarquable que, dans la plupart des nations modernes, le même principe qui a détruit le système féodal a établi la protection industrielle dans le pays. Mais, comme ces mesures tendent à l’avancement général, elles finissent par être utiles, même à ceux qu’elles avaient commencés par léser. Nous nous défions toujours des doctrines qui condamnent comme des erreurs, des systèmes adoptés par toutes les nations à une certaine période de leur existence. Dans la plupart des cas, ces systèmes ont satisfait en leur temps à un véritable besoin ; ils se sont établis, pour ainsi dire, spontanément ; la science n’est parvenue que plus tard à les justifier. C’est souvent un excellent moyen de trouver la vérité que d’étudier cette espèce d’inspiration populaire.»
        Dans un ouvrage publié en 1848 sous ce titre : L’économie nationale du présent et de l’avenir, M. Hildebrand, professeur à l’Université de Marbourg, apprécie avec quelque détail List et ses doctrines. Critique consciencieux sans être, à mon avis, exact et juste à tous égards, il met à néant les