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toutefois on doit reconnaître qu’en s’efforçant d’atteindre à cette suprématie, la Grande-Bretagne a immensément augmenté la puissance productive du genre humain et qu’elle l’augmente encore tous les jours[1].

  1. Ici se termine l’exposé de la théorie de List. Quiconque a suivi le mouvement des idées économiques, la polémique des journaux et des débats parlementaires de l’Allemagne dans ces dernières années, sait la puissante influence que cette théorie a exercée et exerce encore au delà du Rhin.
      L’un des disciples de List, M. Hoefken, a écrit dans l’Austria les lignes suivantes : « Depuis le temps où Krause, de Koenigsberg, inoculait à l’administration prussienne les doctrines d’Adam Smith, l’économie politique allemande a fait de grands progrès ; et, parmi nos professeurs en renom, il n’en est pas un seul, depuis Rau jusqu’à Hermann et à Hildebrand, qui marche encore dans les sentiers battus de l’abstraction, et qui n’appuie ouvertement un système intelligent de protection et de réciprocité que réclament les circonstances. » Cette révolution économique est l’ouvrage de List.
      Entre les contradicteurs que le Système national a rencontrés, j’en mentionnerai deux, MM. Bruggemann et Doenniges ; il est digne de remarque que tous deux ont subi l’influence de la doctrine qu’ils combattent.
      La principale accusation que M. Bruggemann dirige contre List, dans l’écrit qu’il a publié en 1815 sous ce titre : Du Zollverein allemand et du système protecteur, est celle de larcin. D’après lui, List n’aurait fait que reproduire, en les dénaturant, les idées d’un de ses compatriotes, Adam Müller, avec lequel il avait eu quelques entretiens durant son séjour à Vienne, idées en tous cas qui, sous la plume de leur prétendu inventeur, n’avaient pas jusque-là fait grande fortune ; on a déjà vu que l’auteur du Système national a été aussi accusé de plagiat à l’égard d’un professeur dont il ignorait jusqu’au nom. Du reste, M. Bruggemann déclare qu’il y a un point de vue plus élevé que celui d’Adam Smith, que la science doit voir la nation et non point l’individu, que la liberté absolue du commerce, dans le temps actuel, est une chimère ; et, tout en préférant d’autres mesures pour l’encouragement de l’industrie du pays, il ne repousse nullement les droits protecteurs.
      M. Doenniges, dans un ouvrage intitulé : Le système du libre commerce et celui des droits protecteurs, qui a paru en 1847, reprend les arguments habituels en faveur de la liberté commerciale ; mais il fait preuve, en les employant, de beaucoup de modération. Occupé de bonne heure d’études historiques, il s’est fait, dit-il, une habitude d’envisager les questions au point de vue de l’histoire. Il condamna chez les physiocrates la maxime de la liberté illimitée du commerce, et il s’indigne contre les journalistes qui lui reprochent de débiter des exagérations à la Cobden. Voici ce qu’il dit en propres termes : « L’établissement d’un droit protecteur ou une aggravation modérée est admissible, par la raison que la conservation d’une grande et fructueuse industrie peut procurer des avantages durables qui