Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’industrie manufacturière, à peu près toutes les branches de cette industrie doivent fleurir à l’aide d’une protection persévérante et énergique, et il est ridicule de ne lui accorder que quelques années pour se perfectionner dans une grande industrie ou dans l’ensemble de ses industries, comme à un apprenti cordonnier pour apprendre à faire des chaussures[1].

Dans ses perpétuelles déclamations sur les immenses avan-

    les étrangers qui peuvent ainsi se trouver lésés soient autorisés à se plaindre d’actes que n’ont point dictés des sentiments hostiles.
      Adam Smith, au surplus, est fort modéré dans l’application de sa doctrine, et il fait au système protecteur plus d’une concession. Voici, par exemple, comment il s’exprime, livre V, chap. ii : « Si l’on supprimait toutes les prohibitions, et qu’on assujettit tous les objets de fabrication étrangère à des droits modérés, et tels que l’expérience les démontrerait propres à rendre sur chaque article le plus gros revenu à l’État, alors nos propres ouvriers se trouveraient jouir encore, sur notre marché, d’un avantage assez considérable, et l’État retirerait un très-gros revenu d’une foule d’articles d’importation dont à présent quelques-uns ne lui en rapportent aucun, et d’autres lui en rapportent un presque nul. » C’est le système qui a été appliqué par MM. Polk et Walker, auteurs du tarif américain de 1846, dans des proportions, il est vrai, que Smith n’eût probablement pas avouées ; ce tarif, calculé en vue du plus gros revenu possible, impliquait cependant une protection (incidental protection) même assez élevée, mais une protection aveugle, à ce point que la matière première y était souvent imposée plus fortement que le produit qu’elle sert à fabriquer. Un tarif libre-échangiste conséquent ne doit point admettre de droits à l’entrée des articles qui ont leurs analogues dans la production du pays.
      Adam Smith, le croirait-on, n’avait pas une foi robuste dans l’avenir de la liberté du commerce en Angleterre : « S’attendre, a-t-il écrit, livre IV, chap. ii, que la liberté du commerce puisse jamais être entièrement rendue à la Grande-Bretagne, ce serait une aussi grande folie que d’espérer y voir jamais se réaliser la république d’Utopie ou celle d’Océana. » (H. R.)

  1. La pensée de J.-B. Say est rendue dans ce passage plus inexactement encore que celle d’Adam Smith. List a quelquefois le défaut de citer de mémoire. Bien loin de trouver inconséquentes les deux exceptions formellement admises par son maître, J.-B. Say, dans son Traité d’économie politique, liv. I, chap. xvii, les adopte en les reproduisant ; il étend même la seconde, celle qui concerne les produits chargés de quelque droit à l’intérieur, jusqu’à approuver les restrictions à l’importation des céréales en Angleterre à cause des impôts excessifs qui pèsent sur l’agriculture, impôts qui n’offrent pas cependant le caractère de spécialité voulu par Adam Smith, comme, par exemple, les droits d’excise sur la fabrication du verre ou sur celle du papier ;