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d’énormes sacrifices ? Quelle extravagance ! L’Allemagne eût dix fois mieux fait de supporter paisiblement toutes les mesures restrictives de l’Angleterre, et, au lieu d’encourager chez elle la naissance des manufactures, d’empêcher le développement de celles qui, sans protection douanière, auraient surgi par le seul effet des prohibitions anglaises.

Le principe de rétorsion n’est rationnel et applicable qu’autant qu’il s’accorde avec celui de l’éducation industrielle du pays, et qu’il en est comme l’auxiliaire.

Oui, il est raisonnable et avantageux pour une nation de répondre, par des restrictions qui atteignent les produits manufacturés de l’Angleterre, à celles de l’Angleterre contre ses produits agricoles, mais seulement pour une nation appelée à acclimater chez elle l’industrie manufacturière et à la conserver à tout jamais.

Par la seconde exception Adam Smith justifie en réalité non-seulement la protection des manufactures qui fournissent les munitions militaires, par exemple des fabriques d’armes et de poudre, mais tout le système protecteur tel que nous l’entendons ; car l’industrie manufacturière que ce système crée dans le pays exerce sur l’accroissement de sa population, de ses richesses matérielles, de sa puissance mécanique, de son indépendance et de toutes ses ressources intellectuelles, par conséquent de ses moyens de défense, incomparablement plus d’influence que ne le ferait la fabrication pure et simple des armes et de la poudre.

On peut en dire autant de la troisième exception. Si les impôts qui pèsent sur notre production autorisent des droits protecteurs sur les produits moins taxés de l’étranger, pourquoi les autres désavantages de nos manufactures vis-à-vis des manufactures étrangères ne légitimeraient-ils pas la protection de l’industrie du dedans contre la concurrence écrasante de celle du dehors[1] ?

  1. Les exceptions admises par Adam Smith à la liberté du commerce ne sont ici ni exposées avec une suffisante exactitude, ni toutes appréciées convenablement.
      L’auteur de la Richesse des nations, livre IV, chapitre ii, distingue d’abord