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La protection est accordée sous la forme, soit de la prohibition absolue de certains articles fabriqués, soit de droits élevés qui équivalent ou à peu près à la prohibition, soit enfin de droits modérés. Aucun de ces modes n’est absolument bon ou mauvais, et c’est la situation particulière de la nation et celle de son industrie qui indiquent lequel lui est applicable.

La guerre, qui crée un état forcé de prohibition, exerce une grande influence sur le choix des moyens. En temps de guerre les échanges cessent entre les parties belligérantes, et chaque pays, quelle que soit sa situation économique, doit essayer de se suffire. Alors, dans la nation la moins avancée sous le rapport des manufactures, l’industrie manufacturière, et, dans la plus avancée, l’agriculture, prennent un essor extraordinaire, à ce point que, si l’état de guerre s’est prolongé durant une suite d’années, la première juge prudent, en faveur des industries dans lesquelles elle ne peut pas encore soutenir la concurrence de la seconde, de continuer quelque temps pendant la paix la clôture que la guerre a faite.

Telle était la situation de la France et de l’Allemagne après la paix générale. Si, en 1815, la France avait, de même que l’Allemagne, la Russie et les États-Unis, admis la concurrence de la Grande-Bretagne, elle eût éprouvé le même sort que ces contrées ; la plupart des fabriques qui s’étaient élevées chez elle durant la guerre auraient succombé ; des progrès qu’elle a accomplis dans toutes les branches de fabrication, dans le perfectionnement des voies de communication, dans le commerce extérieur, dans la navigation à vapeur, fluviale et maritime, de l’augmentation de la valeur du sol, laquelle, pour le dire en passant, a doublé en France depuis cette époque, enfin, de l’accroissement de la population et des revenus de l’État, il n’en eût jamais été question. Les fabriques étaient encore dans l’enfance, le pays ne possédait qu’un petit nombre de canaux ; les mines n’étaient encore que peu exploitées, grâce aux convulsions politiques et à la guerre ; il ne s’y trouvait ni capitaux considérables, ni instruction