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est désastreuse. Les machines et les instruments ne sont plus que du vieux fer et du bois à brûler, les édifices tombent en ruines, les travailleurs émigrent ou cherchent leur vie dans l’agriculture. Ainsi se trouve détruit en peu de temps un ensemble de forces et d’objets qui n’avait pu être réuni que par les labeurs soutenus de plusieurs générations.

Si, dans les temps de croissance et de prospérité des manufactures, une industrie appelle, attire l’autre, la soutient et la fait fleurir ; aux jours du déclin la ruine d’une industrie est l’avant-coureur de la ruine de plusieurs autres et finalement des éléments essentiels de la puissance manufacturière.

C’est le sentiment des puissants effets de la continuité dans les travaux et des dommages irréparables de l’interruption qui a fait accueillir l’idée de la protection douanière pour les fabriques, et non les clameurs et les sollicitations égoïstes de fabricants avides de privilèges.

Dans le cas où la protection douanière n’est d’aucun secours, quand, par exemple, les fabriques souffrent par le manque de débouché au dehors et que le gouvernement est hors d’état de leur venir en aide, nous voyons souvent les fabricants continuer à travailler à perte. Dans l’attente de temps meilleurs, ils veulent éviter les inconvénients irréparables de l’interruption des travaux.

Sous le régime de la libre concurrence, il n’est pas rare de voir les manufacturiers, dans l’espoir de forcer leurs rivaux à une interruption de travail, vendre leurs produits au-dessous du cours et même avec perte. On veut non-seulement se préserver soi-même d’une pareille interruption, mais encore y contraindre les autres, sauf à s’indemniser plus tard, par de meilleurs prix, de la perte qu’on aura éprouvée.

La tendance au monopole est, il est vrai, dans la nature de l’industrie manufacturière. Mais c’est là un argument pour et non pas contre le système protecteur ; car, dans les limites du marché intérieur, cette tendance a pour effet la baisse des prix et le développement de l’industrie ainsi que la prospérité nationale, tandis que, si elle vient du dehors avec une énergie