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sur les moyens que la situation particulière, les qualités spéciales de la terre et le capital qui y a été employé fournissent à celui qui en a la légitime jouissance d’acquérir des valeurs matérielles ou de satisfaire des besoins ou des goûts du corps ou de l’esprit.

La rente est l’intérêt d’un capital fixé dans un fonds naturel, ou d’un fonds naturel capitalisé. Mais le territoire de la nation qui n’a fait que capitaliser le fonds naturel servant à l’agriculture, et cela de la manière très imparfaite que comporte ce degré de civilisation, rapporte des rentes infiniment moindres que celui de la nation qui réunit l’agriculture et l’industrie manufacturière. Les propriétaires de la première vivent la plupart dans la contrée qui leur vend des objets manufacturés. Mais, lorsqu’une nation dont l’agriculture et la population ont déjà pris un notable développement fonde chez elle des manufactures, elle capitalise, ainsi que nous l’avons montré dans un chapitre précédent, non-seulement les forces naturelles particulièrement utiles aux manufactures et jusque-là restées oisives, mais aussi la plus grande partie des forces manufacturières qui servent à l’agriculture. L’accroissement de ses rentes est, par conséquent, de beaucoup supérieur à l’intérêt des capitaux matériels nécessaires pour l’établissement des manufactures[1].

  1. L’action que l’industrie manufacturière exerce sur la prospérité de l’agriculture a été depuis longtemps reconnue et mise en relief. Un ancien auteur anglais, Josiah Child, comparaît la terre et l’industrie (land and trade) à deux jumeaux qui ont toujours cru ou dépéri, et ne cesseront de croître ou de dépérir ensemble. L’Essai sur le commerce, de David Hume, et le chapitre de la Richesse des nations qui a pour titre : Comment le commerce des villes a contribué à l’amélioration des campagnes, soutiennent la même thèse. Elle revient sans cesse dans les enquêtes et dans les débats parlementaires de la Grande-Bretagne sur les questions de douane. En la reprenant dans ce chapitre, List non-seulement y porte l’énergie qui lui est propre, mais il l’envisage d’un point de vue différent. Ses développements sont d’autant plus dignes d’attention qu’il n’est pas rare de voir parmi nous de prétendus amis de l’agriculture déblatérer contre l’industrie manufacturière.
      — L’auteur allemand du Système des sciences sociales (Staatswissenschaft), dont le premier volume a paru en 1852, M. Stein, fait observer, en traitant de la rente de la terre et des progrès de l’agriculture sous l’influence