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de la civilisation chez les peuples et leur passage de l’état de chasseurs à celui de pasteurs, de ce dernier à l’état agricole, etc., on comprendra aisément que partout la rente était nulle dans l’origine, et que partout elle a haussé avec les progrès de la culture et de la population, avec l’accroissement des capitaux intellectuels et matériels. Si l’on compare la nation purement agricole avec celle qui est à la fois agricole, manufacturière et commerçante, on reconnaît que vingt fois plus d’individus vivent de fermages dans la seconde que dans la première. D’après la statistique de la Grande-Bretagne par Marshal, l’Angleterre et l’Écosse comptaient en 1831 une population de 16.537.398 hommes, dont 1.116.398 percevaient des rentes. En Pologne, sur une même étendue de pays, on aurait peine à trouver le 20ème de ce nombre. Si de ces généralités on descend aux détails et qu’on s’enquière de ce qui a déterminé la rente de chaque fonds de terre, on trouve partout qu’elle est le résultat d’une capacité productive, qui, loin d’être une libéralité de la nature, a été créée par les efforts et par les capitaux intellectuels et matériels, directement ou indirectement appliqués à ce fonds, et par les progrès de la société en général. On voit, il est vrai, des terrains auxquels la main de l’homme n’a pas touché, rapporter une rente, par exemple des carrières, des sablonnières, des pâturages ; mais cette rente n’est qu’un effet de l’accroissement de la culture, du capital et de la population dans le voisinage. D’un autre côté on remarque que les terrains qui produisent les plus fortes rentes sont ceux dont la fertilité naturelle a été complètement anéantie et dont toute l’utilité consiste en ce que les hommes y boivent et y mangent, s’y asseyent, y dorment ou s’y promènent, y travaillent ou s’y amusent, y enseignent ou y reçoivent des leçons, c’est-à-dire ceux sur lesquels sont construits des édifices.

Le principe de la rente est l’avantage exclusif que la terre procure à ceux qui en ont la possession exclusive, et l’étendue de cet avantage se mesure sur la somme de capitaux intellectuels et matériels existant dans la société en général, ainsi que