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qu’incomplètement l’influence des manufactures sur l’accroissement de la rente, de la valeur échangeable de la propriété foncière et du capital agricole, et d’avoir opposé l’agriculture à l’industrie manufacturière en la présentant comme beaucoup plus importante pour le pays, comme la source d’une prospérité beaucoup plus durable. En cela Smith n’a fait que continuer, non sans la modifier cependant, l’erreur des physiocrates. Évidemment il a été trompé par ce fait que, dans le pays le plus manufacturier, ainsi que nous l’avons montré pour l’Angleterre au moyen de données statistiques, le capital matériel de l’agriculture est dix ou vingt fois plus considérable que celui de l’industrie manufacturière, et que la production annuelle de la première surpasse notablement en valeur le capital collectif de la seconde[1]. Le même fait peut bien aussi avoir conduit les physiocrates à exagérer le mérite de l’agriculture vis-à-vis de l’industrie manufacturière. Une observation superficielle donne lieu de croire en effet que l’agriculture crée dix fois plus de richesse, mérite par conséquent dix fois plus d’estime, et présente dix fois plus d’importance que les manufactures. Mais ce n’est là qu’une apparence. Si nous cherchons les causes de la prospérité de l’agriculture, nous trouvons la principale dans l’industrie manufacturière.

  1. On lit en effet dans la Richesse des nations, liv. II, ch. v, que, de toutes les manières dont un capital peut être employé, l’agriculture est, sans contredit, le plus avantageux à la société. La nature, y est-il dit, ne fait rien pour l’homme dans les manufactures ; ainsi, non-seulement le capital employé à la culture de la terre met en activité une plus grande quantité de travail productif qu’un pareil capital employé dans les manufactures, mais il ajoute une plus grande valeur au produit annuel de la terre et du travail du pays. Il y a là une erreur capitale qui a déjà été relevée. Cependant Adam Smith, bien qu’influencé par les doctrines des physiocrates, est loin de partager leurs préjugés contre les manufactures ; dans la critique qu’il fait de leur système au chapitre ix de son livre IV, il montre notamment une parfaite intelligence de cette étroite solidarité entre l’agriculture et l’industrie manufacturière que List a retracée ici avec tant de vigueur: « Tout ce qui tend à diminuer dans un pays le nombre des artisans et des manufacturiers tend à diminuer le marché intérieur, le plus important de tous les marchés pour le produit brut de la terre, et tend par là à décourager encore l’agriculture. » (H. R.)