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Tout autre est la condition de l’agriculteur ou du propriétaire foncier dans les pays où les manufactures ont leur plein essor. Là, tandis que la fertilité de la terre augmente ainsi que le prix de ses denrées, il ne bénéficie pas seulement de l’excédant de la valeur de sa production sur celle de sa consommation comme propriétaire ; il obtient, avec un accroissement de la rente de sa terre, un accroissement proportionné de son capital. Sa fortune double et triple en valeurs échangeables ; non qu’il travaille davantage, qu’il améliore ses champs, qu’il fasse plus d’économies ; il doit cette plus-value aux manufactures. Alors il a les moyens et le désir de redoubler d’efforts, d’améliorer ses champs, d’augmenter son bétail, de faire plus d’économies, tout en consommant davantage. Sa propriété ayant acquis plus de valeur, son crédit augmente, et il est plus à même de se procurer les capitaux matériels que les améliorations exigent.

Smith ne parle pas de cette influence qu’éprouve la valeur échangeable du sol. Quant à Say, il est d’avis que la valeur échangeable des terres importe peu, par la raison que, soit qu’elles soient à bas prix ou à un prix élevé, leurs services productifs sont toujours les mêmes. Il est triste de voir un écrivain que ses traducteurs allemands ont qualifié de précepteur des peuples, exprimer une opinion si erronée dans une question qui intéresse si profondément la prospérité des nations. Nous croyons pouvoir soutenir, au contraire, qu’il n’y a pas de mesure plus certaine de la prospérité nationale que la hausse ou la baisse de la valeur échangeable du sol, et que les fluctuations et les crises, en cette matière, doivent être rangées parmi les plaies les plus funestes dont un pays puisse être affligé[1].

L’école a été égarée ici par son attachement à la théorie de la liberté du commerce telle qu’il lui plaît de l’entendre ; car nulle part les fluctuations et les crises dans la valeur de la

  1. L’expérience de ces dernières années a prouvé surabondamment parmi nous que la valeur du sol hausse ou baisse, en effet, suivant que la prospérité du pays augmente ou diminue. (H. R.)